dimanche 8 novembre 2009

Le déclin de l'industrie ariégeoise après 1990


Le déclin de l'industrie ariégeoise après 1990

Michel Bégon janvier 2006

Sous l’Ancien Régime, le comté de Foix ainsi que le Couserans comptaient parmi les pays les plus industrialisés du royaume. C’est qu’en effet la surpopulation des massifs montagneux contraignait la paysannerie à s’occuper, du moins à temps partiel, de multiples productions artisanales, qui lui apportaient l’indispensable complément de ressources ou de revenus, à savoir notamment le fer, les clous, le jais, le verre, les draps, les bonnets, les peignes, le papier, les meubles, les comportes et même les barques pour la navigation sur la Garonne. Puis, les mines, les carrières et les ateliers se sont multipliés, au XIXe siècle, en recouvrant tout le territoire, mais surtout les chaînes pyrénéennes. Au début du XXe siècle, l’Ariège dénombrait encore 1 500 tisserands indépendants et la fabrication des peignes en buis, puis en corne, employait 900 personnes. Avant 1990, on estimait en Ariège à 36% la proportion de la main d’œuvre industrielle (y compris le bâtiment) au sein de la population active. Or, bien loin de prospérer, l’industrie ariégeoise a, depuis une vingtaine d’années, périclité sur la pente d’une régression qui semble parfois s’accélérer et paraît même irrésistible. Il s’agit donc de savoir pourquoi et comment y remédier.


1. Carences dans la capacité de traiter l’information

On découvre là tout un enchevêtrement de causes générales et locales, mais dont la principale est l’insuffisante alimentation en courants d’information, à cause de l’éloignement géographique.

Bien sûr, il faut désigner d’abord l’effet des gains de productivité, selon la loi statistique de Jean Fourastié. Le champ économique se partage entre divers secteurs d’activité, dont la susceptibilité au progrès technique, à la mécanisation et à la normalisation, donc à l’amélioration de la productivité du travail, s’avère extrêmement inégal. Certaines productions se laissent organiser, simplifier et compacter, grâce aux mathématiques, d’autres pas ou guère. S’il est usuel d’automatiser les aciéries et les filatures, il reste difficile de rationaliser les soins de santé ou les services d’entretien, lesquels exigent le traitement personnalisé de tous les cas particuliers. Or, les gains de productivité entraînent la réduction de la main d’œuvre active, alors qu’à l’inverse l’impuissance à mécaniser cause son gonflement. Il s’opère donc un transfert de personnel depuis l’industrie et surtout l’agriculture, de plus en plus mécanisées, vers les activités de service, qui se font au contraire de plus en plus complexes. Ce phénomène est général dans le monde entier. L’Ariège n’y a pas échappé, puisque la population agricole y a régressé de 50% en 1945 à moins de 6% aujourd’hui et que la population industrielle est tombée de 36% autrefois en deçà de 20%, mais que les hôpitaux et l’action sociale, avec 5 000 emplois sur 45 000 au total, sont devenus les principaux employeurs du département. Le centre hospitalier du Val d’Ariège, localisé à Saint Jean de Verges, n’y est-il pas la plus grosse usine désormais ?

Seulement, le recul de l’industrie se fait ici plus rude qu’ailleurs. Il y a décrochage. La crise des années 1985 à 1988 en fut le seuil critique. Dans ces trois années, le textile, cantonné surtout dans les monts d’Olmes, mais qui représentait à lui seul 43% de l’emploi manufacturier et 36% de l’emploi industriel du département, a vu disparaître la moitié de ses entreprises et ses effectifs diminuer de 20%. D’autres branches industrielles, par exemple la menuiserie, ont subi au même moment la même chute. Selon l’institut national de statistiques et d’études démographiques (INSEE), les effectifs industriels de l’Ariège (hors bâtiment et travaux publics) sont passés de 11 000 en 1988 à 9 000 en 1993. Ce qui fit soudain monter le taux de chômage à plus de 11%, mais surtout reprendre l’exode de la population active vers la région toulousaine. La zone de Lavelanet s’est d’un coup vidée. Et d’avoir perdu son unique fabrique de meubles, le bourg du Mas d’Azil est resté comme exsangue. Or, cette tendance régressive a persisté, si même elle ne s’est pas accélérée.

Ainsi l’industrie textile du pays d’Olmes a progressivement reculé de 4 000 ouvriers en 1989 à 2 300 en 1993, puis à 2 200 fin 2000, enfin à 1 850 en 2004, sans qu’on aperçoive un palier. Seule la société Michel Thierry SA conserve fermement son avenir en mains, avec 590 ouvriers à Laroque d’Olmes, grâce à sa conversion du textile pour l’habillement au textile technique pour les automobiles, dès les années 1980. Elle détient 24% du marché européen des tissus revêtant les sièges de voiture et obtient un chiffre d’affaires annuel de 300 millions d’euros, mais grâce à un bureau d’études de 80 personnes en recherche-développement. C’est malheureusement une exception.

S’agirait-il d’un manque d’infrastructures ? Non pas. Car l’Etat, le conseil général et les chambres consulaires ont beaucoup fait pour améliorer sans cesse les conditions d’implantation industrielle, depuis l’aménagement de l’axe autoroutier qui joindra le Lauragais à la Cerdagne, avec les 2 tunnels de Foix et du Puymorens, jusqu’à la création de vastes zones industrielles, à Pamiers, Verniolle, Lavelanet ou Saint Girons, ou encore à la généralisation de l’internet à haut débit. Mais cet effort d’équipement ne suffit pas. Une zone aussi bien desservie et agréable que Cap Delta, près de Verniolle, à cheval sur la voie expresse, et fort bien gérée par l’association Ariège – Expansion, reste à demi vide ! On y voit surtout des hangars de stockage ou des aires d’accumulation de déchets industriels, hormis un gros sous-traitant de l’industrie aéronautique.

Alors, la question se fait lancinante. Si l’on peut admettre que les industries traditionnelles gagnent en productivité et restreignent les effectifs employés, comme le textile, la métallurgie, la mécanique ou le papier, lesquels jadis faisaient travailler une bonne dizaine de milliers de bras, mais leur substituent de plus en plus vite les ordinateurs et les machines, comment des productions plus innovantes ou plus sophistiquées ne les remplacent-elles pas ? Bien sûr, on peut incriminer les gouvernements nationaux, qui n’ont pas su, ou pas voulu, accorder la priorité à la recherche et à l’innovation. Mais cette erreur de stratégie, désormais reconnue, ne saurait expliquer le décrochage ariégeois par rapport à la France.

Défions-nous donc du spontanéisme. Souvent on croit et on publie naïvement qu’il suffirait de l’heureuse conjonction de ressources naturelles, de bonnes infrastructures, de capitaux frais et d’une main d’œuvre disponible pour créer de l’industrie, comme par génération spontanée. Or, ces ingrédients réunis en Ariège, l’industrialisation n’y reprend pas. C’est qu’une telle façon de voir les choses est simpliste et qu’elle omet l’essentiel, qui est la puissance de l’information et du calcul.

En effet, l’industrie n’a pas seulement besoin de matières premières, de sources d’énergie, d’équipements, de capitaux et de force de travail, mais avant tout de flux d’information et d’une capacité de calcul technique, économique et financière. Il n’y a pas d’industrie possible sans des études et une programmation préalables. Ce qui consiste à mettre en cohérence, selon les formes de la recherche opérationnelle, l’ensemble des facteurs de production, de financement et de commercialisation. Une entreprise dont les chefs ne maîtriseraient pas systématiquement la totalité des variables significatives donnerait vite dans l’incohérence, ferait de grosses erreurs et se vouerait bientôt à la faillite. Si, par exemple, l’entreprise de menuiserie industrielle du Mas d’Azil a fermé définitivement ses portes, à la fin des années 1980, en laissant une vaste friche industrielle, c’est que ses dirigeants continuaient de fabriquer le bois selon les canons de l’ébénisterie ancienne, mais n’ont pas vu venir la nouveauté des mobiliers suédois en matières plastiques et pièces démontables. La concurrence suppose la capacité d’adaptation et donc la polyvalence informationnelle. C’est d’ailleurs pourquoi les financiers considèrent que la condition première d’un investissement est la disposition de cerveaux capables de mémoriser toute l’information utile et d’assumer en temps réel les calculs subséquents. D’où l’importance stratégique des têtes et les rémunérations astronomiques qui les attirent. Bien sûr, cette fonction calculatrice reste invisible au stade de l’artisanat, dont le patron garde tout par-devers lui. Mais elle apparaît prépondérante pour la grande industrie, qui s’appuie sur les états-majors de diplômés, sur les appareils administratifs et comptables ainsi que sur les banques de données.

Or, c’est là que le bât blesse l’Ariège : les têtes s’en sont allées et ne reviennent pas assez vite. L’exode démographique a jadis vidé le pays, non seulement des deux-tiers de sa population, mais d’une bonne part de ses élites. Aujourd’hui encore, les meilleurs élèves choisissent la fonction publique, qui les affectera d’abord aux régions de France les plus démunies de fonctionnaires. Le manque d’une grande ville est corrélative d’une nette insuffisance des effectifs de diplômés et cadres. Pour séduire ceux-ci, il ne suffit pas du climat doux, de la beauté des sites ou de la qualité gastronomique, il faut encore et surtout des organes d’information, des universités, des magasins de luxe et des spectacles, même en hiver. Or, l’Ariège n’a pas d’enseignement supérieur, ni d’école d’ingénieurs, ni de centre de préparation aux affaires, de sorte que pour se former les étudiants doivent encore s’expatrier. Même si la proportion de l’encadrement tend à s’accroître en Ariège comme ailleurs, c’est à un rythme plus lent, qui laisse le retard se creuser.

Dans les discours et les médias, la crise industrielle suscite beaucoup d’imprécations, d’exhortations, voire de malédictions, qui enfilent les mots vains. Personne n’évoque la carence informationnelle et mathématique du département. Or, cette cécité est justement la cause du déclin.


2. Evasion du pouvoir de contrôle

Ce handicap se manifeste par deux graves conséquences. D’abord, l’industrie ariégeoise, où dominent l’extraction du talc, le textile pour l’habillement, le papier à cigarettes ou les salaisons, reste de faible niveau technologique et s’expose à la concurrence des importations venues d’autres régions ou des pays émergents. Ensuite et surtout, sa pauvreté en personnels formés au management moderne l’a, depuis longtemps, mise sous la coupe des centres de décision et de profit extérieurs, voire étrangers, qui bien sûr ne ressentent aucun patriotisme ariégeois et ont réduit l’Ariège au rang ingrat de solde d’ajustement.

Jadis l’Ariège eut ses capitaines d’industrie : les Gudanes, les François, les Bergès, les Foch ou les Bardies, qui firent sa force. Elle les a perdus et s’est inféodée à la finance internationale, qui désormais tend à la sacrifier.

Il faut dire que les industries ariégeoises ne dépassaient guère, au XIXe siècle, le stade médiocre de la petite entreprise ou du petit atelier d’une dizaine de salariés. Le travail à domicile et à façon, sous l’autorité des négociants, l’emportait sur la manufacture. Le manque d’ingénieurs et de cadres ne permettait pas, comme ailleurs en France, l’essor des grandes usines. Les mines de fer du Rancié réunissaient la plus forte concentration humaine ; mais justement, faute d’ingénieurs, elles étaient exploitées par des centaines de paysans-mineurs, travaillant sous terre à titre individuel.

La richesse de l’Ariège en gisements miniers est, certes, demeurée mythique. Mais qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Mal conçues et mal gérées, la plupart des exploitations d’extraction ont dû cesser leur activité ; l’une des dernières fut la mine de tungstène du port de Salau, qui ferma en 1987 ; et si les carrières de talc de Luzenac subsistent, c’est grâce à leur monopole de fait et au contrôle du groupe international Rio Tinto Zinc.

Le travail du fer ? Il fut un temps où les barons de la houille et de l’acier dominaient politiquement l’industrie française, quand le comité des forges, réunissant les clans Schneider et de Wendel, osait dicter sa volonté aux gouvernements successifs. Un organe de presse comme « Le Temps », commandité par ce comité, passait pour le journal officieux de la IIIe République. Mais réciproquement, le gouvernement pouvait influencer les maîtres de forges, au moins jusqu’à la dissolution de la communauté européenne du charbon et de l’acier, en 1967, et jusqu’à la nationalisation de la sidérurgie, en 1979, pour cause de faillite.

Or, l’Ariège était pareillement régentée par sa propre société des maîtres de forges, fédérant les entrepreneurs de forges catalanes et dominant l’économie départementale. Le minerai de fer extrait des mines du Rancié, en Vicdessos, alimentait encore au XIXe siècle une bonne soixantaine de forges catalanes, maniant soufflet et maillet hydrauliques. Vers la fin de l’Ancien Régime, le principal noble maître de forges était le marquis de Gudanes, sire de Château-Verdun, surnommé le « roi des Pyrénées ». Constituée en 1837, la société des maîtres de forges de l’Ariège s’érigeait d’emblée en partenaire privilégié du préfet. Ses premières délibérations tendaient à l’amélioration du réseau routier, notamment de la route royale n° 20, au « repeuplement en bois des vacans », par exemple en acacias robiniers, ainsi qu’à la création, subventionnée par l’argent public, d’une « forge modèle ». Mais déjà elles pressentaient le déclin et faisaient appel à l’assistance de l’Etat :

« Aujourd’hui, l’Ariège est débordée de toutes parts par les produits des usines de l’intérieur ; les marchés qu’elle approvisionnait sont envahis ; et cependant on ne fait rien pour l’Ariège. Pendant ce temps, les usines rivales améliorent leurs produits, créant des moyens puissants de production, s’entourant de voies de transport économique et facile : Decazeville fait canaliser le Lot ; Alais et Le Vigan obtiennent un chemin de fer sur Beaucaire… De tels efforts amèneront notre ruine, si nous ne sommes promptement assistés ».

(Procès verbal de la réunion du comité central des maîtres de forges – 6 août 1837)

Effectivement, la concentration devait bientôt réduire la soixantaine de forges catalanes aux seuls hauts fourneaux de Tarascon et Pamiers, sous l’égide de la Société métallurgique de l’Ariège, jusqu’à son absorption en 1953 par la sidérurgie lorraine. Puis, disparues les aciéries, leur noyau pensant s’est lui aussi disloqué ! Il n’en reste que la société Fortech de Pamiers, usinant des moteurs d’avion, grâce à sa presse géante.

Plus navrante encore est l’histoire de l’aluminium. Les gisements de bauxite d’Unjat et les ressources hydrauliques du Val d’Ariège avaient, en 1908, favorisé l’installation de la société d’électrométallurgie Alais, FROges et Camargue, laquelle se fit ensuite absorber par la compagnie PEchiney – Ugine – Külhmann. La nationalisation de PEchiney en 1982 maintint les sites d’Auzat, Mercus et Sabart dans leur puissance industrielle, avec cinq cents employés. Puis la dénationalisation livra l’entreprise à son concurrent canadien : Alcan, dont l’objectif ancien était de détruire PEchiney pour s’assurer le monopole mondial. C’est fait ! Voilà donc le Vicdessos voué à la désertification…

Le textile était de loin la première industrie de l’Ariège, en employant, dans les décennies 1960 à 1980, jusqu’à 4 000 salariés sur les sites du pays d’Olmes. La crise de 1986 réduisit à 3 le nombre des entreprises et fit subir à Lavelanet la saignée démographique, dont elle ne s’est pas remise. La libération en 2005 des importations de textiles et d’habillement aura bientôt fait de réduire à peu de choses cette tradition drapante, qui remontait au Moyen Age, sinon à l’Antiquité. Mais pourquoi ce désastre, demandera-t-on ?

En 1998, les syndicats français du textile et de l’habillement demandèrent officiellement à la commission de l’Union européenne à Bruxelles si la perdition de leurs industries était programmée ou si quelque mesure de grâce était concevable. Le commissaire compétent était le Français Pascal Lamy ; il leur représenta que l’Union européenne avait fait le choix des technologies de pointe et que, pour vendre à la Chine des centrales nucléaires ainsi que des Airbus, force lui était en contrepartie d’ouvrir les frontières à ses textiles et vêtements. Donnant, donnant, donc. Ultérieurement Pascal Lamy s’est fait élire directeur général de l’organisation mondiale du commerce (OMC). Pour le reste, les décisions de fermeture sont prises trop loin de l’Ariège. Ainsi la firme AVELANA dépend du groupe financier Chargeurs, dans lequel les fonds de pension américains ont de fortes positions et dont ils exigent une rentabilité minimale de 15 % des capitaux investis. A ce taux là, comment subsister longtemps ? De fait, les réductions d’emploi se succèdent interminablement …

Installée dès le XVIIe siècle sur les bords du Salat, la papeterie couseranaise connut l’essor au XIXe siècle, grâce notamment à la turbine d’Aristide Bergès, né à Lorp (1833-1904). Il y eut jusqu’à 13 moulins à papier. Mais, dès 1948, sur 11 entreprises restantes, seuls les deux établissements d’ENGOMER (Castillon) et ROQUELAURE (Saint-Lizier) gardaient leur indépendance. La concentration capitaliste constituait déjà deux grosses firmes de papier à cigarettes, mais sous la prépondérance d’actionnaires extérieurs : les sociétés JOB et LACROIX. Il ne reste plus actuellement que 3 entreprises, au destin problématique.

Seules se développent encore les industries moins exposées à la concurrence externe et dont les exploitants restent ariégeois, le bâtiment, les industries agricoles et alimentaires ainsi que l’hôtellerie. Citons-en au moins les fromageries et les charcuteries industrielles du Couserans. Mais cette sauvegarde des activités d’intérêt local correspond à l’option cachée, prise à Paris par certains technocrates et financiers, de transformer l’Ariège en un vaste parc naturel de loisirs, avec l’habitat traditionnel, des forêts sauvages, des lacs d’eau pure, des ours et des loups. Savez-vous que dans ce département un logement sur quatre est une résidence secondaire, occupée par les vacanciers seulement quelques semaines à l’année, et que pour Ax-les-Thermes cette proportion dépasse les trois-quarts ? On voit mal où peut mener la création d’un grand parc naturel régional, englobant toutes les zones de montagne, sinon au retour final à la nature.


3. Une seconde chance ?

Pour renverser ce courant, il faudrait constituer un puissant pôle d’attraction régional, qui attirerait des entrepreneurs et des ingénieurs de haut niveau, de grands équipements publics, des établissements universitaires, des entreprises innovantes et tout un bloc de population. Or, le projet d’aménager un nouvel aéroport international pour les voyageurs et le fret dans la région de Toulouse, à 15 ou 20 ans d’échéance, offre cette possibilité.

D’ores et déjà, l’ouverture de l’autoroute « l’Ariégeoise » et de la voie expresse qui lui fait suite, entre Toulouse et Tarascon, a pu stimuler un sursaut industriel et démographique dans la vallée de l’Ariège. Sans doute n’est-elle pas étrangère à l’installation de SIEMENS à Foix, pour fabriquer des éléments de moteurs d’avion. En effet, l’essor prometteur de l’aéronautique toulousaine, avec l’EADS, va générer de proche en proche une floraison d’entreprises sous-traitantes, que l’autoroute drainera vers Pamiers, Verniolle, Foix ou Tarascon. Ce n’est pas rien que d’avoir à 50 kilomètres le montage des avions Airbus ! Il est vrai que le Couserans n’en tire aucun profit, faute d’être raccordé par des voies rapides au pôle d’expansion toulousain, et voit sa déperdition se poursuivre.

Le petit renouveau qu’induit l’autoroute peut déboucher sur un grand renouveau que provoquerait l’aéroport. Si finalement le site de Mazères était retenu, c’est toute une agglomération nouvelle et dynamique qui polariserait le piémont pyrénéen. Et c’est tout un programme de développement cohérent de l’Ariège qu’il serait possible de concevoir et de mettre en œuvre. L’atout maître du département est l’espace quasi vacant de cette plaine caillouteuse à maïs, où l’installation d’une ville nouvelle d’activités aéroportuaires et logistiques relancerait vraisemblablement l’industrialisation. Alors que l’aéroport de Roissy justifie 75 000 emplois directs, on peut escompter de l’éventuel aéroport de Mazères qu’il créerait jusqu’à 20 ou 40 000 emplois, y compris les emplois induits suscités par l’afflux démographique. Les sceptiques feraient bien de mesurer quel courant d’informations et quelle puissance de calcul apporterait un tel aéroport, assez pour catalyser l’essor futur de tout le département, Couserans compris.

Aussi bien l’Association pour le nouvel aéroport de Toulouse–Ariège–Pyrénées (ANATAP), constituée en 2005 par la chambre de commerce et d’industrie, avec déjà plusieurs centaines d’adhésions, cherche-t-elle à mobiliser les Ariégeois pour ce projet majeur. Sa force est de réunir déjà les têtes pensantes du département et de réveiller le patriotisme ariégeois. Ce qui justement faisait défaut.

On résumera ce retournement possible de situation, en soulignant que l’Ariège a pâti d’être à la périphérie française, loin de Paris et des grandes villes, au profit desquels elle perdait sa population et ses industries, mais que l’implantation sur son territoire d’un aéroport international, couvrant non seulement le sud-ouest français, mais aussi l’Andorre et les Pyrénées espagnoles, pourrait ou même devrait, si elle se faisait, renverser à son avantage les flux d’attraction, en la plaçant désormais au centre d’un immense champ économique et démographique.




Références bibliographiques

Michel Chevalier - La vie humaine dans les Pyrénées ariégeoises - Génin – Librairie de Médicis 1956

Société des maîtres de forges de l’Ariège – Imprimerie Pomiès de Foix 1838 – Réédition par Lacour– Rediviva

Archives d’Ariège-Expansion

La Gazette ariégeoise

Jean Fourastié - Les 30 Glorieuses – Fayard 1979

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