dimanche 8 novembre 2009

Le tourisme ariégeois


Le tourisme ariégeois
Michel Bégon mai 2004


Trop longtemps, l’Ariège s’est montrée rebelle à l’ouverture. Préoccupée d’abord de son développement industriel et de ses querelles intestines, elle n’a pas su ni voulu vraiment accueillir les étrangers. Alors même qu’au 19ème siècle les stations des Hautes-Pyrénées recevaient des estivants nombreux et huppés, des écrivains de renom, dont Victor Hugo, et des tournées d’artistes célèbres, ou que Biarritz lançait, grâce à l’impératrice Eugénie, la mode des bains de mer, les massifs ariégeois demeuraient quasiment ignorés. Toute une vieille tradition d’autarcie ! Ne dit-on pas qu’en 1539, Marguerite de Navarre, sœur du roi, séjourna en cure à Cauterets pour y écrire son Heptaméron ? Mais non pas à Foix, ni à Mazères, ses propres fiefs !

Les effets des mentalités autonomistes n’ont été que renforcés par l’émigration des élites vers Toulouse, Paris et les Amériques. Au 19ème siècle, il ne s’est plus trouvé beaucoup d’entrepreneurs pour mettre en œuvre les activités thermales, hôtelières ou touristiques. En 1956, le géographe Michel Chevalier notait avec amertume combien la rareté des cadres et l’absence d’organisation collective compromettaient les chances d’un essor :

« Il s’agit surtout, avouons-le, de faits d’ordre psychologique : routine et étroitesse de vue paraissent avoir été, au 19ème siècle comme au 20ème siècle, l’un des éléments constants du tempérament local. » (opus cité, page 988)

Ces choses changent. Mais le passif reste lourd à porter.


1. Modicité du thermalisme et des sports d’hiver

Réapparue dès le 16ème siècle, après Rome, développée au 17ème et culminant au 19ème, la mode des eaux minérales fut moins médicale et moins sanitaire que mondaine et ludique. On allait chaque année aux eaux pour faire d’autres rencontres, prendre un peu de libertés, jouer au casino et goûter à la culture. La prostitution n’y était pas étrangère. Ce n’était pas la vocation de l’austère Ariège.

Sans doute les petites stations thermales furent-elles nombreuses à s’y créer, au 19ème siècle, mais à vrai dire trop nombreuses et donc minuscules : Seintein, Aulus-les-Bains, Seix, Audinac, Bédeille, Le Baulou, Ussat-les-Bains, Ornolac, Foncirgue, Carcanières-les-Bains, Escouloubre et surtout Ax. Enclavées dans de profondes vallées, les routes y faisaient défaut et, au dire des témoins, on s’y ennuyait ferme.

Le succès fut temporaire. Dévolues aux maladies vénériennes, les sources d’Aulus attiraient 3000 étrangers vers 1870, pas moins de 15 hôtels et, à partir de 1882, un casino dans le grand parc. Les vestiges de cette gloire font aujourd’hui de la station, quand finit la saison d’été, une morte cité de bâtisses vides. En 1879, la compagnie générale des Thermes d’Ax prit en mains le management des sources dédiées aux rhumatismes et de la ville même, encore un village, en y attirant, grâce à l’ouverture en 1881 de la ligne de chemin de fer, plus de 15 000 visiteurs par an. C’est l’époque, en 1888, où Ax (du mot ibère « ats », signifiant puanteur, à causes des sources sulfureuses) prit le plus joli nom d’Ax-les-Thermes. A peine plus tard, le ministre Théophile Delcassé se fit construire un petit castel sur les hauteurs de la ville et prépara la percée du col de Puymorens, pour le chemin de fer Paris – Bourg Madame. Cependant, Ax-les-Thermes, malgré la proximité de l’Andorre, ne put pas rivaliser avec Vittel, Vichy, ni même Cauterets, à cause de l’éloignement et de l’enclavement.

Resté bon marché, le thermalisme ariégeois n’attira jamais que les curistes modestes, en ne séduisant pas la clientèle fortunée. Bientôt la médecine scientifique démoda ses vertus. Globalement, si l’on estime à 10 000 le nombre des fidèles vers 1870, il n’excédait pas 20 000 en 1955, puis est retombé à 9 000 environ en 2002, dont 7 000 pour la seule Ax. Depuis les guerres mondiales, les stations de Seintein, Audinac, Foncirgue ont fermé. Reconvertie dans l’arthritisme, puis la cholestérolémie, Aulus-les-Bains végète dans l’attente d’un repreneur, lequel d’ailleurs s’est annoncé. Seule Ax demeure relativement prospère, grâce à ses 12 hôtels et son casino, reconstruit en 1930.

Or, la saison thermale est brève, ne prenant que les mois d’été. On a pensé la compléter d’une saison d’hiver, en adjoignant la station de Guzet-neige aux thermes d’Aulus, les pistes de Bonascre et du Saquet aux bains d’Ax et le plateau de Beille, aménagé pour le ski de fond, aux eaux d’Ussat. Quand l’enneigement le permet, les résultats sont favorables ; mais souvent le fœhn d’Espagne réchauffe malencontreusement des sites dont l’altitude n’excède guère les 2 000 mètres (2 225 m à la Tute de l’Ours). On y a souffert d’hivers sans neige du tout ! Aussi bien la fréquentation de Guzet, ayant culminé à 130 000 journées de ski dans les années 1989 – 1991, n’était-elle plus que de 106 000 en 2001 – 2002 et celle d’Ax-Bonascre n’a-t-elle atteint à la même date que les 266 000 journées de ski, ce record ayant été acquis déjà en 1991-1992.

Malgré ces handicaps, l’audace d’investissements ingénieux et concertés pourrait bien s’avérer payante. Tandis qu’un investisseur français va reprendre les stations jumelles d’Aulus et Guzet, pour leur imprimer un nouvel élan, l’équipement de Bonascre avec un télésiège partant d’Ax même a fait d’elle l’un des sites les plus agréables des Pyrénées. Bon prince, l’hiver a couronné de neige et de succès ces stations d’altitude en 2003 comme en 2004.


2. Une ultime ressource

Si l’Ariège ne s’est guère adonnée au tourisme, au cours des deux siècles passés, c’est qu’elle s’était plutôt, non sans succès ni fierté, consacrée à l’industrie. Ce fut autrefois l’un des départements les plus industrialisés de France, avec les textiles du pays d’Olmes, la métallurgie du val d’Ariège et de Pamiers, les talcs de Luzenac, les fabriques de meubles du piémont, les verreries du Volvestre, la papeterie du Salat ou les industries alimentaires du Couserans. L’exode rural, qui affectait surtout l’agriculture, n’avait pas empêché la floraison locale des entreprises familiales de main d’œuvre ni l’implantation de grands groupes au plus près des ressources hydrauliques. Cet essor aurait pu ou dû se poursuivre, comme en Espagne, en Italie ou en Allemagne, et apporter sa prospérité.

Pourquoi a-t-il fallu qu’à partir de 1974 la politique industrielle de la France cède le pas à la vogue contraire de la « société post-industrielle » ou de la « tertiarisation », comme on disait alors ? Ce revirement pris en quelques années fut mal ressenti par la population et même de certains technocrates, lesquels y voyaient une pente suicidaire. Il ne s’en est pas moins imposé. Or, aucune nécessité économique ni financière n’y obligeait, puisque les pays voisins de la France, soumis aux mêmes contraintes, ont conservé et développé leurs industries familiales ainsi que leurs grandes fabriques. A ce phénomène étrange et malheureux, on croit devoir apporter ici un minimum d’explication.

Tandis que les gouvernements gaullistes jusqu’à Georges Pompidou inclus poussaient délibérément à l’industrialisation du pays, la fin du gaullisme en 1974 fit place à l’orientation contraire. Dans une France polarisée par l’intelligentsia et les idéologies parisiennes, on ne saurait sous-estimer la force du désir que certains nourrissaient de prendre le contre-pied des ambitions de grandeur dont le général de Gaulle s’était fait le héros. Mais derrière ce désaveu ostensible se cachait une raison inavouée. On changeait d’intérêts dominants.

Comme l’a fortement souligné l’économiste britannique John M. Keynes, le taux d’intérêt réel du crédit, c’est à dire le taux affiché moins le taux d’inflation des prix, détermine l’ampleur de l’investissement dans les activités productives. S’il est bas, ce taux d’intérêt avantage les emprunteurs, c’est à dire les industriels, au détriment des épargnants, autrement dit les rentiers. Mais s’il est élevé, il désavantage les industriels, que l’inflation des prix ne soulage plus assez du poids de leur endettement, et avantage au contraire les rentiers, dont l’épargne n’est plus alors laminée par l’inflation. Or, la fin du gaullisme, si favorable à l’industrie, grâce à une stratégie raisonnablement inflationniste, avec des taux d’intérêt réels négatifs, signifia aussi bien la revanche morale des rentiers et le retour à une politique de crédit cher, de rentabilité de l’épargne, c’est à dire de déflation, sous le sceau d’une idéologie conservatrice, qui s’est dite « orthodoxe », mais qu’on pourrait aussi bien qualifier de « néo-vichyste », en souvenir de la déflation historique de Pierre Laval. Sous prétexte de défense de l’épargne, de rigueur financière, de construction européenne et de promotion de l’ « euro fort », on a délibérément sacrifié l’industrie française à la rente des petits et moyens propriétaires. Ce raisonnement n’est pas insolite, puisqu’il est aussi tenu par Nicolas Baverez dans sa France qui tombe (Perrin 2003), en termes à peine plus voilés.

Bref, le fait est qu’après 1974 de bons esprits ont cru pouvoir vilipender l’industrie, en déplorant qu’elle polluait l’air, la terre et la mer, la pousser à la « délocalisation » vers l’étranger, pour lui préférer une économie de services, estimée « plus moderne », car « post-industrielle ». Il y avait et y a là dessous beaucoup d’illusion ou d’hypocrisie. Car si les activités de services, dites « tertiaires », remplissent peu à peu l’économie et emploient actuellement en France plus de 70% de la population active, ce n’est pas un signe de modernité, mais au contraire d’archaïsme, puisque seule la lenteur de leurs gains de productivité explique qu’elles prennent tant d’importance relative. Aussi bien les emplois hautement qualifiés, les plus techniques et les mieux rémunérés sont-ils dans l’industrie, voire l’agriculture, mais, sauf la banque et les assurances, en règle générale, le commerce, les transports, le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, les spectacles, les activités sportives, etc., n’offrent guère que des emplois de faible qualification, de médiocre productivité et de modeste rémunération, dont les Français sont peu demandeurs. Donc, sous l’apparence de dépasser l’industrie dans l’avenir, en réalité on incitait la France au retour en arrière.

Trente ans après, les effets d’un tel choix sont majeurs. Il est vrai que la France est devenue la première destination touristique du monde, mais au prix d’un développement ralenti et d’un chômage persistant. On ne rivalise pas impunément avec les paradis tropicaux ! La désindustrialisation prend en Ariège l’allure d’une catastrophe, avec les fermetures des papeteries du Salat, l’effondrement de l’industrie du meuble, notamment au Mas d’Azil, la fin de l’usine d’aluminium de Sabart et l’abandon du site de Pechiney à Auzat ou avec les compressions d’emploi dans les usines textiles de Lavelanet. Ce recul n’est pas compensé par le progrès des entreprises de sous-traitance dans la zone d’influence de Toulouse. Comme il n’y a jamais de fatalité et que l’erreur de la désindustrialisation est désormais dénoncée par le Président de la République, l’espoir reste d’un nouveau renversement de politique économique et financière. Si l’Italie a conservé ses industries, outre son tourisme, pourquoi pas la France ?

Mais les choses sont telles aujourd’hui que l’Ariège n’a plus beaucoup d’autre ressource que le tourisme et qu’elle ne s’y est pas moralement préparée.


3. Les six handicaps

La beauté tranquille des paysages et des cités de l’Ariège ne suffit pas à elle seule à captiver les enthousiasmes. Se reconvertir de l’industrie au tourisme n’est pas une opération simple, car la qualité des produits ne suffit plus pour s’imposer, il y faut en plus le « marketing ».

A cet égard, le premier handicap de l’Ariège est l’absence ou la faiblesse de l’image publicitaire du département, qu’on confond volontiers avec l’Ardèche. Alors que Montségur est au pays d’Olmes et que le promoteur de la légende cathare fut Napoléon Peyrat des Bordes sur Arize, c’est l’Aude qui exploite le mieux la guerre des Albigeois. Les efforts du conseil général ont été de lancer des slogans sympathiques : « Ariège : Terre Courage » ou « Ariège : les Pyrénées avec un grand A », ainsi que des campagnes nationales d’information par affiches ou par les media, lesquelles sont en cours. Une autre solution autre pourrait être de compléter le nom même du département, qui s’appellerait « Ariège – Pyrénées ». En effet, des quatre départements pyrénéens, l’Ariège est le seul dont la dénomination n’évoque pas le massif montagnard, qui fait leur attrait commun.

Le deuxième handicap est l’insuffisance des infrastructures d’accueil. En 2003, l’Ariège ne comptait que 81 hôtels jouissant de l’homologation touristique, avec 3 100 lits, contre 260 pour la Haute Garonne et 247 pour la seule ville de Lourdes. Chacun ne disposait que de 15 chambres en moyenne, pas assez pour recevoir des groupes. En outre s’agit-il surtout d’anciens établissements à direction familiale, dont les équipements restent plus ou moins obsolètes, qui ne trouvent pas assez de personnel en saison et pour lesquels la dévolution successorale reste problématique. La tendance est donc au déclin. En 1955, Michel Chevalier décomptait 4 250 lits. En 1995, il restait encore 93 hôtels pour 3 300 lits. On est actuellement en deçà. Bon nombre d’établissements se sont vendus à des colonies de vacances. Il est vrai que l’affaiblissement de l’industrie ariégeoise dessert l’hôtellerie, en raréfiant les allées et venues des techniciens ou des voyageurs de commerce, en ramenant à 30% les taux de fréquentation pendant les mois d’hiver et en concentrant sur juillet et août les afflux de clientèle. Le parc des gîtes ruraux et des chambres d’hôtes est aussi en repli rapide. On ne comptait plus en 2002 que 458 gîtes ruraux contre 594 en 1999 et que 156 chambres d’hôtes contre 163 en 1994.

Quant au parc de terrains de camping, le nombre d’emplacements a reculé de 66 en 1999 à 62 en 2002.

Où vont alors les touristes ? Au 16 août de chaque année, on compte environ 120 000 estivants, soit presque autant que la population permanente. Ce flux tend à augmenter. La fréquentation moyenne de l’hôtellerie s’en ressent : le taux d’occupation moyen sur l’année y est monté de 33% en 1995 à 45% en 2002. Mais ce sont surtout les résidences secondaires qui absorbent un tel afflux. Terre d’exode rural, l’Ariège a laissé son immense habitat agricole aux mains des familles émigrées, qui reviennent passer au pays de leurs ancêtres quelques semaines par an. Or, voici désormais que les Anglais et Néerlandais rachètent massivement ce patrimoine bâti, en faisant non moins massivement s’élever les prix des transactions foncières.

Le troisième handicap est le manque de main d’œuvre. L’Ariège n’a qu’une école hôtelière, à Saint Girons. Les petits établissements du pays sont trop médiocrement équipés et de trop modeste 0p0roductivité pour avoir besoin d’agents qualifiés. Les aides familiaux suffisent à leur gestion traditionnelle. Mais il s’ensuit des sujétions excessives pour des rémunérations insuffisantes, décourageant les demandes d’emploi. En outre, l’activité est très saisonnière. Les jeunes gens préfèrent donc s’expatrier ou solliciter le revenu minimum d’activité, plutôt que d’accepter ces situations peu alléchantes. Incriminer leur « paresse » ne fait que masquer le problème économique !

Le quatrième handicap est l’exiguïté des réseaux de transport. Il est sûr que l’étroitesse des routes n’autorise guère la circulation des autocars. Mais l’Ariège a-t-elle les moyens financiers d’aménager et d’entretenir des chaussées qui ne seraient utilisées à plein que 8 semaines par an ? D’ailleurs, l’afflux des autocars ne ferait que dégrader le principal atout du pays : la tranquillité de ses sites naturels. Du moins, l’Etat fait-il aménager l’autoroute et la voie expresse qui joindront Toulouse à la Cerdagne par le tunnel du col de Puymorens. Le Couserans plaide, depuis un siècle, pour l’ouverture d’une autre liaison avec l’Espagne par le port de Salau. Mais il n’est pas démontré qu’elle déclenche d’importants trafics. Plus efficace serait l’installation, entre Pamiers et Mazères, du nouvel aéroport de Toulouse, par où viendraient les charters touristiques des pays du Nord. Mais bon nombre d’Ariégeois n’en veulent pas, au nom de leur sacro-sainte tranquillité. Si cet aéroport s’implante ailleurs, ce sont les dernières industries qui déserteront l’Ariège, à sa suite.

Le cinquième handicap est l’insuffisante promotion des séductions naturelles ou des attraits culturels. Pour tenter une clientèle aisée, encore faut-il savoir lui plaire ! Sans doute l’Ariège dispose-t-elle d’un héritage historique des plus riche, allant de la préhistoire au catharisme et aux guerres de religion, et comprenant une dizaine de bastides médiévales fort bien conservées, mais elle l’a encore mal fait connaître. Sans doute a-t-elle su créer une muséographie originale, souvent d’excellence, qui va de la présentation des peintures pariétales à la mise en mouvement d’une forge catalane. Mais la fréquentation de ses sites, musées et festivals ne progresse que lentement ou parfois régresse, faute de publicité suffisante.

Évolution des sites par ordre décroissant de fréquentation (en milliers)


1984 1994 1998 2002 2002/1984
Château de Foix 69 87 74 95 ↑
Château de Montségur 36 69 55 70 ↑
Rivière de La Bouiche 56 72 56 58 ↔
Maison des Loups - - 37 43
Grotte de Niaux 28 27 26 31 ↔
Grotte du Mas d’Azil 41 37 33 31 ↓
Parc de la Préhistoire - - 15 30
Forges de Pyrène - - 15 30
Grotte de Lombrives 33 38 18 22 ↓




Bien sûr, on aurait aimé que la création d’un parc naturel permît d’acclimater en haute Ariège des animaux sauvages, comme aux Abruzzes italiennes. Les Ariégeois n’ont pas voulu de l’ours ! Au moins songe-t-on à Mirepoix pour créer un musée de la broderie ecclésiastique.

Un sixième handicap est l’amoindrissement de l’artisanat d’art, de luxe ou de prestige. Trop d’excellents ouvriers ont disparu, qui n’ont pas été remplacés. L’ébénisterie n’existera bientôt plus, après avoir pendant des siècles fait du mobilier rustique, l’une des gloires du pays. Il faut saluer cependant l’installation de verriers ou de potiers, ici et là. On aura garde d’oublier que le corollaire obligé du tourisme est le « shopping » féminin !


4. La vogue du tourisme vert et de la randonnée

L’Ariège peut-elle tirer parti de ses atouts naturels ? Quand les façades maritimes sont amplement bétonnées, ses charmes agrestes séduiront-ils une jeunesse fuyant les conurbations ? L’enjeu vaut le pari. Néanmoins, il faut éviter de prendre le tourisme pour une panacée qui guérirait tous les maux. Actuellement il ne représente que 2 800 emplois directs et autant d’emplois induits. Il peut seulement en créer quelques milliers de plus, ce qui ne serait pas si mal.

Pour le guide vert Michelin, le département ne compte aucun site coté 3 étoiles, 8 sites à 2 étoiles (Montségur, Niaux, le parc de l’art préhistorique, la route verte, le sommet de Portel, la route de la Crouzette, le col de Pause, le Mas d’Azil) et une dizaine notés une étoile (dont la vallée d’Orlu, le plateau de Bonascre, Foix, la cascade d’Arse, l’étang de Lers, la vallée du Garbet, la grotte de Labouiche ou l’église de Vals). C’est trop peu, surtout par rapport aux autres départements pyrénéens. Il est difficile d’admettre que Saint-Lizier, Seix, Ax ou Mirepoix ne méritent aucune distinction touristique ! Il faudrait augmenter le nombre et la cote des sites signalés, par une judicieuse stratégie d’équipements, de créations et de rénovations, poursuivant les efforts entrepris depuis 1990. On ne saurait surestimer l’impact des guides de tourisme sur la clientèle cultivée.

Mais l’inestimable trésor du pays est son immense domaine inhabité de hautes montagnes, de lacs d’altitude, de torrents, de forêts, de collines, de grottes et de gorges, qui offrent à la randonnée comme aux sports un champ inépuisable. A la différence des Alpes, la nature reste ici libre d’agglomérations et d’équipements, donc moins fréquentée, et moins chère d’accès. Aussi bien estime-t-on que la moitié des touristes sont attirés en Ariège par la randonnée sportive familiale. C’est bien sûr là-dessus qu’il faut miser surtout.

Et puis l’Ariège dispose d’une gastronomie attirante, notamment par ses foies gras et sa charcuterie, mais aussi par ses viandes bouchères.


5. Vers le développement

Le conseil général a prévu d’adopter un schéma départemental de développement touristique, dont la mise en œuvre s’avère urgente. Mais il rencontre les réticences de la population citoyenne, où les retraités sont en très forte proportion. C’est qu’il lui faut secouer les habitudes ! En effet, il est probable que l’aménagement touristique de l’Ariège y amènera des étrangers au pays, un surcroît de mobilité sociale et une hausse des prix, dont la perspective n’est pas sans inquiéter quelques-uns. Ceux-ci maugréent volontiers : « on était bien ici, entre nous, au calme, ils vont tout gâcher, qu’ils nous laissent tranquilles ! ». Mais le pays compte aussi des jeunes, qui veulent vivre et travailler sur place. Le schéma départemental vise à faire progresser l’ensemble des ratios touristiques de 10 à 15% par an. Où agir ?

D’abord accroître les séductions de l’Ariège, notamment culturelles. La création prévue d’un centre international de conférences dans l’ancien palais épiscopal de Saint Lizier va dans ce sens. L’ouverture de nouveaux musées serait appréciable. Il resterait à trouver pour les quatre pays d’Ariège une identité historique qui les rassemble et les distingue, comme le catharisme pour l’Aude ou le surréalisme de l’école de Céret pour les Pyrénées orientales. Peut-être l’épopée multimillénaire des peuples vascons, qui semble mieux connue des Etats Unis qu’en France ?

Surtout, il faut élargir ce goulet d’étranglement qu’est l’insuffisance de capacités d’accueil. L’installation d’un vaste parc d’hôtels et de restaurants, sur le modèle de Lourdes, serait évidemment utopique, tant les saisons d’été et d’hiver sont courtes ici. En revanche, la pénurie grandissante de maisons d’agrément laisse penser qu’il y a place en Ariège pour de grandes zones d’aménagement, où des pavillons individuels seraient offerts à la vente ou à la location. La demande provenant du Royaume-Uni ou des Pays-Bas est immense et solvable. Ce tourisme sédentaire a l’avantage de solliciter surtout le génie civil ou les industries du bâtiment et moins les activités de service, auxquelles les Ariégeois se dérobent de plus en plus, à cause de l’instabilité de l’emploi et de la modestie des salaires. Dans cet esprit, quelques opérations sont d’ores et déjà prévues autour des lacs de Montbel ou du Carla-Bayle.

En tout état de cause, l’objectif devrait être d’attirer une clientèle cultivée et aisée, qui apporte avec elle les moyens de l’essor ariégeois. A cet effet, la tentation intellectuelle de lister des réformettes ou des mesurettes ne doit pas dispenser d’un effort global de stratégie commerciale et de campagnes publicitaires.




Bibliographie sommaire

La vie humaine dans les Pyrénées ariégeoises – Michel Chevalier - Génin Librairie de Médicis – 1956

Le tourisme en Ariège – Pyrénées, bilan 2002 – Comité départemental du tourisme

Le guide vert de Midi-Pyrénées – Michelin , éditions du voyage - 2000

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